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Les portraits

Alain Ducasse & Mory Sacko : Regards croisés sur la Gourmandise

7 min de lecture

Les Galeries Lafayette célèbrent la gourmandise. Plongez dans l'univers des chefs Alain Ducasse et Mory Sacko à travers une interview exclusive mêlant tradition et modernité.

Du 24 avril au 22 juin, les Galeries Lafayette célèbrent Les "Gourmandises" ! Pour l'occasion, nous avons souhaité explorer l'univers de la gourmandise à travers le regard de deux chefs d'exception, partenaires des Galeries Lafayette Le Gourmet : Alain Ducasse et Mory Sacko. Découvrez leurs visions croisées de la gourmandise, entre tradition et modernité, à travers une interview exclusive.

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Quelle est votre définition de la gourmandise ?

Alain Ducasse :

"La gourmandise est le plus délicieux des péchés. Et peut-être même le plus indispensable. "

Mory Sacko :

"La gourmandise est à mes yeux un petit retour vers l'enfance, une régression où seule l'envie de se faire plaisir compte. Ma double culture prend ses racines autour de la table. En Afrique de l'Ouest comme en France, on passe beaucoup de temps à table et jamais seul ! Je dirais donc que la gourmandise et le partage sont deux valeurs indissociables pour moi. "

Quel est votre premier souvenir gourmand ?

Mory Sacko :

"Mes premiers souvenirs gourmands sont tous dans la cuisine de ma mère. C'est une excellente cuisinière et je ne manquais jamais une occasion de venir chiper l'une de ses préparations ! Je ne dirais pas que ces souvenirs ont motivé ma décision de devenir cuisinier mais ces goûts sont aujourd'hui imprégnés dans ma mémoire gustative."

Alain Ducasse :

"J’ai découvert le chocolat chez Gaston Lenôtre. J’avais vingt ans, je travaillais chez Michel Guérard, à Eugénie-les-Bains et, pendant mes congés, j’allais à Paris pour m’initier à la pâtisserie. Je suis tombé amoureux du chocolat au point que, pendant un moment, j’ai pensé devenir pâtissier plutôt que cuisinier. Depuis cette expérience, je savais qu'un jour, je retournerai à l'univers du chocolat. "

La gourmandise pour vous, plutôt salée ou plutôt sucrée ?

Alain Ducasse :

"C’est juste un problème de vocabulaire : on dira plus volontiers gourmandise pour le sucré et savoureux ou délicieux pour le salé. Mais, en fin de compte, l’amour du goût est le même, qu’il s’agisse d’un plat principal, d’une entrée, d’un dessert ou d’un chocolat !"

Mory Sacko :

"Je suis très gourmand en salé mais beaucoup moins en ce qui concerne le sucre. Aujourd'hui, cela se traduit par un faible taux de sucre dans mes desserts et un gros travail sur les sauces en salé. Les sauces sont pour moi un activateur de gourmandise redoutable."

Quel gourmand êtes-vous ?

Mory Sacko :

"Je me définirais comme un gourmand sélectif. La quantité ne définit pas la gourmandise d'un plat. Par exemple, une tranche de tomate parfaitement mûre et assaisonnée peut être beaucoup plus alléchante qu'un gâteau riche en sucre et en gras. "

Alain Ducasse :

"Le gras, le sel et le sucre, sont des facilités. Il existe une appétence naturelle pour ces saveurs. Et, en même temps, leur excès est absolument néfaste pour la santé. Il faut donc cuisiner sans avoir recours à ces facilités. Il faut concentrer les goûts, trouver les bonnes associations, proposer les bonnes textures. Tout cela demande effectivement un peu plus de travail mais, oui, on peut faire une cuisine à la fois saine et savoureuse. Il en va de même pour le chocolat : nous utilisons très peu de sucre et de matière grasse pour les confectionner. A la place, nous choisissons très attentivement les fèves de cacao et nous créons des recettes qui maximisent le goût."

En quoi la gourmandise est-elle importante dans votre métier ?

Alain Ducasse :

"Mon ami Massimo Bottura, le grand cuisinier italien, a intitulé un de ses livres : « Ne jamais faire confiance à un cuisinier italien trop maigre ». C’est évidemment une boutade mais je crois qu’elle dit quelque chose de très vrai : faire la cuisine, c’est transmettre du bonheur. Si le cuisinier n’éprouve rien en préparant un plat, comment voulez-vous que le mangeur éprouve quelque chose ?Lorsque nous créons un plat, nous multiplions les essais et nous goutons sans cesse parce que nous voulons transmettre une émotion à nos convives. "

Mory Sacko :

"La gourmandise est un élément fondamental dans notre métier car elle trouve sa source dans le plaisir. L'essence de notre métier consiste à se faire plaisir en suscitant le plaisir chez les autres. Cette recherche de la gourmandise et du partage devrait être la boussole de tout cuisinier. "

Selon vous la gourmandise est-elle toujours un péché capital ?

Mory Sacko :

"La gourmandise excessive peut nuire. Notre génération est profondément consciente des ressources limitées de notre planète. Prendre uniquement ce qu'elle est capable de nous donner est une belle philosophie selon moi. Manger des produits en saison permet aussi de les déguster au meilleur de leur qualité nutritive et gustative, tout en respectant le cycle naturel de notre écosystème."

Alain Ducasse :

"Mes convictions sur la cuisine et la santé, je les ai forgées il y a bien longtemps. Lorsque je me suis installé au restaurant  de l’Hôtel de Paris, Le Louis XV, à Monaco, j’ai proposé un menu entièrement végétal que j’ai appelé « Les jardins de Provence ». Nous étions en 1987, il y a donc près de 40 ans. Rares étaient les clients qui, à l’époque, choisissaient ce menu mais j’ai tenu bon parce que j’étais persuadé que l’idée était bonne, qu’elle correspondait à une attente émergente des convives. Je crois pouvoir dire que l’évolution qu’on a pu observer par la suite a prouvé que cette approche était effectivement juste."

Comment la gourmandise se manifeste-t-elle dans votre cuisine et vos desserts ?

Alain Ducasse :

"Mais tous mes plats sont gourmands ! Avec mes équipes, nous passons énormément de temps à affiner le trait, à rechercher les meilleurs produits, les meilleures préparations, les justes cuissons, les justes assaisonnements pour que les plats soient tous délicieux."

Mory Sacko :

"La gourmandise se manifeste par les sauces dans ma cuisine. Je prendrais pour exemple la Sauce Mafé servie chez Mosuke (ndlr : le restaurant gastronomique étoilé du chef), une sauce riche à base d'arachides. Servie en juste quantité, on peut en apprécier chaque bouchée sans tomber dans l'excès et la saturation des goûts."

La gourmandise est-elle compatible avec une cuisine saine et équilibrée ?

Mory Sacko :

"Une cuisine saine et équilibrée peut être gourmande. La gourmandise se base sur l'envie de déguster un produit ou une recette et non sur la quantité de gras, de sucre ou de sel qu'elle contient. Le talent du cuisinier est de susciter cette envie quelle que soit la recette ou le produit utilisé."

Alain Ducasse :

"Mille fois oui ! La première condition, c’est la qualité des produits. Rien ne peut se faire sans bons produits, c’est-à-dire des légumes et des fruits cultivés avec soin, des viandes issus de bons élevages, des poissons pêchés de façon respectueuse des ressources de la mer. Se nourrir dans le respect de la nature est la première condition d’une alimentation saine."

Comment pensez-vous que la gourmandise a évolué dans le temps ?

Alain Ducasse :

"Le plaisir de se nourrir est le résultat de beaucoup de paramètres. Il y a bien sûr le goût de ce qui est dans l’assiette mais tout le reste y contribue : l’ambiance de la salle, les arts de la table, la qualité du service, l’entente entre les convives réunis à la table. Toutes ces dimensions font la qualité de l’expérience et elles deviennent probablement de plus en plus importantes."

Mory Sacko :

"Je dirais qu'il n'y a pas plus immuable que la gourmandise. Peu importe l'époque, les goûts et les envies évoluent mais la gourmandise reste la même. Je regarde assez peu les tendances, pense que, tant qu'il y aura des cuisiniers assez talentueux pour susciter la gourmandise, elle perdurera."

Quelle est la pâtisserie ou le plat le plus gourmand que vous ayez jamais réalisé ?

Mory Sacko :

"Il s'agit d'un dessert autour du chocolat et du wasabi. C'est une tarte très chocolatée et peu sucrée, on sent donc toutes les particularités du chocolat utilisé. Le sentiment d'opulence et de gourmandise ne provient pas de la profusion de sucre mais de la richesse aromatique. Cette idée d'associer le chocolat et le wasabi vient d'une volonté de repousser l'usage du wasabi le plus tard possible dans le repas (donc au dessert). Nous avons laissé un peu de notre personne lors des premiers essais beaucoup trop intenses en wasabi ! Mais aujourd'hui, il s'agit d'une des signatures du restaurant."

Alain Ducasse :

"Impossible de ne vous en citer qu'un seul à part peut-être une bûche de Noël que j’ai faite lorsque j’avais à peine treize ans. Ma première réalisation et ma première fierté."

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