Quelle est votre définition de la gourmandise ?
Cyril Lignac :
"La gourmandise, c’est avant tout manger par plaisir, c’est un sentiment qui nous remplit de bonheur, c’est une émotion qui fait parfois écho à un souvenir, à un moment partagé, parfois à l’enfance. C’est un acte passionné, hédoniste. On pourrait d’ailleurs qualifier ma cuisine de gourmande. Que ce soit dans mes restaurants, avec par exemple ma Galette de tourteau au curry Madras et avocat, ou dans mes pâtisseries, avec mon Baba au rhum ou encore mes Oursons Guimauve, la gourmandise a le premier rôle. Et grâce à mes différentes émissions TV et vidéos sur Instagram, j’ai pu partager cette gourmandise au plus grand nombre. C’est une façon d’apporter un peu de bonheur aux gens."
Nicolas Vérot :
"La gourmandise représente pour moi l'amour de la nourriture. Je pense qu'il s'agit du plus beau des péchés capitaux. Celui que l'on peut assouvir trois fois par jour s'en jamais s'en lasser. Je suis fils, petit-fils, arrière petit-fils de charcutier. J'ai été élevé en goûtant une multitude de produits. Cela a créé chez moi une curiosité qui s'est transformée en gourmandise."
Quel est votre premier souvenir gourmand ?
Nicolas Vérot :
"Mon premier souvenir gourmand c'est la tartine de pâté de foie que je mangeais tous les mercredis chez mes grands-parents (eux aussi charcutiers !)"
Cyril Lignac :
"Pour moi, les goûts sont des souvenirs. J’ai oublié des milliers de choses de mon enfance mais une saveur ou un parfum particulier peut me transporter 30 ans en arrière. Lorsque j’étais petit, nous préparions avec ma sœur un cake marbré le mercredi après-midi. L’un préparait la pâte à la vanille, l’autre celle au chocolat. On se chamaillait systématiquement pour savoir qui allait racler le fond des saladiers à la cuillère. C’est un souvenir gourmand merveilleux. Lorsque j’ai ouvert ma pâtisserie en 2011, j’ai eu envie de proposer ma version du cake marbré, encore plus gourmand avec un enrobage au chocolat et aux amandes. Encore aujourd’hui, quand je mange une part de cake marbré, je suis à la fois le Cyril d’une quarantaine d’années et le petit garçon de l’Aveyron."
La gourmandise pour vous, plutôt salée ou plutôt sucrée ?
Cyril Lignac :
"Tout dépend du moment. Je peux être tout aussi gourmand face à une côte de bœuf-aligot que face à une pâtisserie. Mais je dois reconnaitre que je ne résiste pas à un Ourson Guimauve..."
Nicolas Vérot :
"Salé bien évidemment ! J'aime la diversité des produits salés, c'est sans limite ! Entre un pâté en croûte et un saucisson sec il y a un monde. Savoir-faire, goût, tout est différent ! Ceci étant, je ne suis pas rigoriste et j'adore les produits sucré-salés comme notre Pâté en croûte canard figue et foie gras. C'est un jeu d'équilibre entre les ingrédients et lorsque c'est réussi cela compte parmi les plus belles recettes."
Quel gourmand êtes-vous ?
Nicolas Vérot :
"Je suis un gourmand très gourmand. J'aime manger, j'aime découvrir de nouvelles saveurs et me réconforter avec des goûts qui me sont familiers. J'ai la chance de pouvoir (et devoir) sans cesse goûter par l'intermédiaire de mon travail. "
Cyril Lignac :
"Un grand gourmand assurément ! Pendant les tournages du Meilleur Pâtissier avec Mercotte, on se régale des créations des candidats. Ils se moquent souvent gentiment de moi car, quand c’est très bon, je ne sais pas résister."
En quoi la gourmandise est-elle importante dans votre métier ?
Cyril Lignac :
"Transmettre la gourmandise est essentiel pour un Chef car on doit avant tout donner l’envie de savourer. La gourmandise est également un vecteur de convivialité, c’est une manière de réunir les gens autour de quelque chose de simple et de délicieux. En partageant mes recettes, je veux montrer que cuisiner à la maison n’est pas si compliqué et peut être un moment de plaisir et de partage privilégié. Pour les plus jeunes, c’est aussi l’occasion de faire naitre la gourmandise, d’éveiller la curiosité et de leur donner envie de bien manger."
Nicolas Vérot :
"La gourmandise est la clef de voûte de mon métier. Je pense qu'elle rime avec curiosité. Elle permet de sans cesse créer de nouveaux produits et d'améliorer les classiques. Par exemple se régaler avec une magnifique volaille et la sublimer dans une tourte ou (re)découvrir un légume oublié pour le travailler en terrine. "
Selon vous la gourmandise est-elle toujours un péché capital ?
Nicolas Vérot :
"La gourmandise doit s'inscrire dans le mouvement actuel du "manger mieux". Mieux manger cela veut dire, manger bon gustativement, bon pour la planète et bon pour la société en privilégiant le savoir-faire artisanal. Si la gourmandise est toujours un péché capital... Je confesse pêcher quotidiennement !"
Cyril Lignac :
"J’aime bien l’expression : « De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise ». On peut être gourmand et avoir une alimentation équilibrée, la gourmandise peut être synonyme de plaisir du goût, de produits de qualité et de bien-manger, sans culpabilité. La façon de cuisiner a d’ailleurs évolué ces dernières années. Nous avons par exemple beaucoup désucré la pâtisserie en gardant toujours autant de gourmandise. C’est important de trouver le bon équilibre. Finalement, la gourmandise c’est un peu un état d’esprit."
Comment la gourmandise se manifeste-t-elle dans votre cuisine/votre charcuterie ?
Cyril Lignac :
"Elle est omniprésente. Dans mes pâtisseries comme dans mes plats. Dans mon Equinoxe par exemple, la gourmandise s’invite dès la première bouchée. D’apparence, il interpelle avec sa teinte anthracite lui donnant une allure assez chic. On se demande ce qu’il cache. A l’intérieur, une crème légère à la vanille Bourbon vient épouser un cœur caramel très gourmand, le tout sur un croustillant praliné au Spéculoos. Des saveurs dites « primaires » qui plaisent généralement aux petits comme aux grands."
Nicolas Vérot :
"La gourmandise est omniprésente en charcuterie ! S'il me faut donner un exemple, je pense au feuilleté au jambon... Une pâte feuilleté, du jambon blanc, de l'emmental, une béchamel. Après un tour au four vous avez un fromage dégoulinant sur le jambon, un feuilletage croustillant. Impossible de ne pas succomber !"
La gourmandise est-elle compatible avec une cuisine saine et équilibrée ?
Nicolas Vérot :
"OUI ! Il y a des produits pour toutes les occasions et je pars du principe que toutes les charcuteries sont gourmandes. Bien que j'adore les rillettes et l'andouillette, je vous déconseille d'en manger tous les jours. Or la beauté du savoir-faire charcutier est que nous pouvons créer des recettes sortant des sentiers battus : pauvre en gras, riche en légumes. Nous avons d'ailleurs écrit un livre avec mon père Gilles Verot faisons la part belle à la charcuterie saisonnière : "Terrines Feuilletés et Pâtés croûte avec des Légumes"."
Cyril Lignac :
"Être gourmand, ce n’est pas être dans l’excès, c’est une notion de plaisir du goût. La gourmandise est donc tout à fait compatible avec une cuisine saine et équilibrée. En tant que chef, on essaie toujours de trouver le bon équilibre, ni trop sucré, ni trop gras, ni trop salé..."
Comment pensez-vous que la gourmandise a évolué dans le temps ?
Cyril Lignac :
"Autrefois, la gourmandise était souvent associée à l’abondance, à l’idée de plats généreux, riches. Aujourd’hui, elle s’exprime différemment, avec plus de finesse et d’attention portée à la qualité des produits. A l’avenir, je pense que la gourmandise va continuer à évoluer vers plus de conscience, tout en gardant les grands classiques généreux faisant partie du patrimoine culinaire français."
Nicolas Vérot :
"La gourmandise évolue avec la société. Nous constatons que nos clients sont partisans du "manger moins mais manger mieux". Ils veulent connaître l'origine des ingrédients utilisés dans la fabrication des produits. Et ils ont raison ! La charcuterie d'aujourd'hui et de demain se doit d'être transparente et sans ajout de cochonnerie."
Quelle est la pâtisserie, le plat ou la charcuterie le plus gourmand que vous ayez jamais réalisé ?
Nicolas Vérot :
"C'est sans aucun doute l'Oreiller de la Belle Aurore ! Ce pâté en croûte mythique de la gastronomie française que l'on associe à l'illustre gastronome Brillat-Savarin. Une pièce hors norme par le gigantisme de sa taille et sa composition. Nous marions les plus beaux gibiers avec foie gras, ris de veau et morilles (ou truffes en saison !). Chaque fabrication est une fête et c'est pour cela que nous ne le faisons que quatre fois par an tant il demande du travail."
Cyril Lignac :
"Pourriez-vous partager une anecdote ou un souvenir lié à cette création, et ce qu'elle représente pour vous dans votre parcours et votre vision de la cuisine et de la pâtisserie ? Je ne saurais dire le plat ou la pâtisserie le plus gourmand que j’ai réalisé mais ma plus grande gourmandise reste l’Ourson Guimauve. Il m’évoque le plaisir sucré de l’enfance, un plaisir simple et régressif donc, loin de la démonstration technique mais plutôt dans l’émotion."